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L’intégration économique et financière européenne dans un monde globalisé

Intervention de M. Jean-Claude Trichet, Président de la BCE, À l’invitation du Gouvernement wallon,Forum CréaWAL, Namur, le 20 juin 2008

Mesdames et messieurs,

Je voudrais remercier les organisateurs de ce Forum de leur invitation, qui me donnent l’occasion de partager avec vous quelques réflexions sur le processus d’intégration économique et financière, à l’œuvre tant au sein de la zone euro qu’entre la zone euro et le reste du monde. Cette question est véritablement essentielle au vu des défis de plus en plus grands que la mondialisation pose à de nombreuses économies avancées.

Dans un premier temps, j’évoquerai l’intégration financière dans la zone euro, dont les avancées récentes contribuent à la croissance économique, facilitent la transmission de la politique monétaire et favorisent l’intégration de l’Europe dans l’économie mondiale. Toutefois, au-delà de certaines réussites incontestables, de nombreux progrès restent à faire dans ce domaine.

Dans un deuxième temps, je montrerai, à travers quelques données, que la zone euro est une économie très ouverte, en termes de flux commerciaux comme de liens financiers avec le reste du monde. Sur ces deux points les chiffres indiquent que la zone euro est plus ouverte que les États-Unis et le Japon. De fait, la création de l’euro, facteur significatif de l’intégration économique de la zone euro, n’a pas empêché celle-ci de poursuivre son ouverture sur le reste du monde et son intégration, apaisant ainsi les craintes de certains observateurs face à la possible création d’une « forteresse Europe ».

L’intégration financière européenne : avancées et incidence sur la croissance économique

L’ intégration financière contribue largement à l’efficience d’un système financier. Elle permet des économies d’échelle, accroît la liquidité de marché et ouvre des perspectives en matière de partage et de diversification des risques. L’intégration financière concourt donc à une croissance économique non inflationniste plus forte.

Un système financier bien intégré soutient la transmission rapide et efficace des impulsions de politique monétaire à travers la zone euro et facilite l’absorption de chocs spécifiques à un pays participant ou un secteur économique. Une étude très intéressante [1] montre à cet égard que, aux États-Unis, les marchés financiers amortissent 39 % des chocs asymétriques affectant le PIB, contre 23 % pour les banques et 13 % pour le gouvernement fédéral, à travers le canal budgétaire. Quelque 25 % des chocs ne sont pas absorbés. Les marchés de capitaux et les institutions financières aux États-Unis contribuent donc à hauteur de 62 % à l’absorption des chocs spécifiques, soit bien plus que le budget fédéral. L’exemple américain montre à quel point l’accélération de l’intégration financière dans la zone euro est susceptible de renforcer sa cohésion.

Le niveau de développement des systèmes financiers est étroitement lié à l’intégration financière dans la mesure où ils renforcent tous deux l’efficacité des marchés. Les tensions, comme les asymétries d’information par exemple, peuvent toutefois subsister sur les marchés financiers même lorsque l’intégration financière est totale. Le développement des systèmes financiers se réfère au processus d’innovation financière et d’amélioration organisationnelle qui permet de réduire les asymétries d’information, de parachever les marchés, de créer de nouveaux types d’opérations contractuelles, d’abaisser les coûts de transaction et d’intensifier la concurrence. Les systèmes financiers dotés de marchés de capitaux matures permettent généralement une réallocation plus rapide du capital des secteurs en déclin vers les secteurs prometteurs en plein développement – le processus schumpétérien de la « création destructrice » – et fournissent des sources de financement plus accessibles pour les investissements productifs, ce qui stimule la productivité et la croissance économique. Grâce au développement financier, les secteurs économiques peuvent mieux exploiter les perspectives de croissance au plan mondial qui peuvent naître des progrès techniques, des chocs imprévus du côté de la demande ou des variations de prix [2]. Les secteurs structurellement très dépendants de financements externes, en particulier, tirent avantage d’un niveau plus élevé de développement financier dans la mesure où ils peuvent croître plus rapidement [3].

De nombreux éléments indiquent à cet égard que le développement financier pourrait avoir des effets positifs non négligeables sur la croissance économique de l’Union européenne. Avec un niveau identique de développement financier (défini comme la somme du crédit intérieur et de la capitalisation boursière en pourcentage du PIB) à celui des États-Unis, la croissance annuelle de la valeur ajoutée dans l’Union européenne pourrait être significativement supérieure à son niveau actuel [4].

Par ailleurs, s’agissant de la transmission de la politique monétaire, des marchés financiers plus développés, à travers des marchés obligataires matures, tendent à accélérer le processus de transmission des taux de marché aux taux d’intérêt bancaires pour certaines catégories de produits [5]. Particulièrement dans ces catégories, pour lesquelles il est possible de recourir au financement de marché (pour les prêts à long terme aux sociétés non financières par exemple), une accélération du processus de transmission s’est, semble-t-il, produite au cours des dernières années.

L’intégration financière joue également un rôle important dans le cadre de la mission de l’Eurosystème consistant à sauvegarder la stabilité du système financier. À travers des marchés financiers plus intégrés, les possibilités de partager et de diversifier les risques sont accrues, de même que la liquidité de marché. Parallèlement, un système financier étroitement intégré renforce la diffusion des effets de contagion transfrontières. Dès lors, un cadre strict et efficace de contrôle des risques revêt la plus haute importance.

S’agissant des systèmes de paiement et des systèmes de compensation et de règlement de titres, l’intégration financière apporte un soutien essentiel à la BCE, qui doit en assurer le fonctionnement harmonieux.

Pour toutes ces raisons, l’intégration financière revêt une importance capitale pour la BCE. Sans préjudice de l’objectif principal de maintien de la stabilité des prix, la BCE et l’Eurosystème dans son ensemble soutiennent pleinement les efforts du secteur privé et des institutions européennes visant à renforcer l’intégration et le développement du système financier européen. L’achèvement d’un marché unique des capitaux et des services financiers est une priorité et devrait renforcer l’efficacité du système financier européen, favoriser son développement et contribuer à augmenter la croissance potentielle non inflationniste de l’économie. De ce point de vue, la BCE collabore très étroitement avec la Commission européenne, qui se trouve en première ligne sur ces sujets [6].

J’aimerais, si vous me le permettez, mentionner certains acquis importants et quelques défis à venir dans le domaine de l’intégration financière dans la zone euro.

L’intégration financière européenne : réalisations et défis

Le degré d’intégration financière dans la zone euro varie selon les segments de marché [7]. Il est, en premier lieu, généralement plus élevé dans les segments les plus étroitement liés à la politique monétaire unique. Il dépend, en second lieu, du degré d’imbrication des différentes infrastructures de marché.

En ce qui concerne les marchés monétaires de la zone euro, le marché des opérations en blanc a atteint un niveau d’intégration « presque parfaite » pratiquement dès l’introduction de l’euro, l’écart-type des taux interbancaires au jour le jour moyens entre les pays participant à la zone euro s’établissant à seulement un ou deux points de base. Le marché monétaire avec fourniture de garanties (marché des pensions) est lui aussi fortement intégré. Cette réussite a été favorisée par le haut degré d’intégration des systèmes de paiement de montants élevés, au premier rang desquels Target. Target 2, mis en place en novembre 2007, fournit désormais une infrastructure pour les paiements de gros montants plus uniforme encore grâce à une plate-forme technique unique et a permis une plus grande uniformisation des prix.

Dans la période actuelle, la faible, mais néanmoins perceptible, hausse observée de l’écart-type des taux des prêts interbancaires semble indiquer un léger creusement des différences en matière de risque de crédit entre les institutions des différents pays, plutôt qu’une augmentation de la segmentation.

En revanche, le marché des titres de créance à court terme de la zone euro est demeuré relativement fragmenté depuis l’introduction de l’euro en 1999. L’initiative STEP ( Short-Term European Paper) (groupe d’action sur les titres européens à court terme), qui a été lancée en 2006, a pour objectif de répondre à ce manque d’intégration financière par le développement d’un marché paneuropéen des titres à court terme à travers le respect par les intervenants, sur une base volontaire, d’un ensemble de normes établies d’un commun accord. L’initiative STEP a permis, depuis 2006, de réaliser des progrès significatifs dans le domaine de l’intégration de ce segment du marché. L’encours total des programmes portant ce label s’élevait, en décembre 2007, à 320 milliards d’euros.

Sur les marchés obligataires et d’actions, l’euro a dopé les investissements de portefeuille transfrontières entre les pays participants grâce à l’élimination du risque de change, en favorisant la création de plates-formes de négociation communes et via l’intégration de l’infrastructure post-marché. Toutes ces avancées ont concouru à atténuer le frein des barrières commerciales aux opérations de portefeuille.

S’agissant des marchés obligataires, outre les marchés d’emprunts publics, qui sont de plus en plus soumis à des facteurs communs depuis la disparition du risque de change, les marchés des obligations de sociétés sont eux aussi bien intégrés. La part des avoirs transfrontières en titres de créance à long terme détenus dans la zone euro et émis par les résidents de la zone euro a très nettement progressé au cours des dernières années, passant de 12 % en 1997 à 58 % en 2006. Les portefeuilles de titres de créance émis par les sociétés non financières, initialement très modestes, se sont également gonflés, ce qui témoigne d’une diversification croissante de la détention au sein de la zone euro.

L’intégration des marchés d’actions de la zone euro s’est aussi renforcée. On note ainsi que les résidents de la zone euro ont doublé la part de leurs portefeuilles transfrontières en actions émises par les résidents de la zone euro entre 1997 et 2006, la portant à 29 %, ce mouvement concernant au premier chef les investisseurs institutionnels.

Parallèlement, l’infrastructure de compensation et de règlement de titres de la zone euro n’est à ce jour pas encore suffisamment intégrée. Les progrès ont été moins nets pour les marchés d’actions que pour les marchés obligataires. Toutefois, des efforts sont entrepris actuellement pour lever ces obstacles, dans le but d’achever l’intégration technique des dispositifs de compensation et de règlement des différents fournisseurs de services.

Par rapport aux marchés de titres, les progrès de l’intégration financière ont été moins rapides dans le secteur bancaire. L’internationalisation des groupes bancaires européens a progressé ces dernières années, principalement sous l’effet des opérations de fusions et acquisitions transfrontières au sein de la zone euro. Ces opérations au sein de la zone euro se sont toutefois inscrites en légère baisse depuis quelque temps.

Si l’intégration des marchés de gros et du marché bancaire lié aux marchés financiers s’est poursuivie à un rythme soutenu depuis quelques années, le marché de la banque de détail reste quant à lui fragmenté. Des écarts substantiels subsistent entre les taux d’intérêt appliqués dans les différents pays de la zone euro, même si une certaine convergence s’opère.

L’intégration du marché de la banque aux particuliers a été freinée par la segmentation des systèmes de paiement européens, contrairement au degré élevé d’intégration des systèmes de paiement de montants élevés (Target et Target 2). Pour remédier à cette situation, le projet SEPA ( Single Euro Payments Area, espace unique de paiement en euros) vise à mettre en place un marché des services de paiement de détail totalement intégré dans la zone euro, sans distinction entre paiements transfrontières et paiements nationaux. Depuis fin janvier 2008, la première étape du SEPA est devenue réalité avec le lancement du « virement SEPA », qui permet d’effectuer des paiements en euros rapidement et selon des modalités identiques en faveur de tout bénéficiaire en Europe. Le SEPA est un tournant majeur dans la consolidation du secteur de la banque de détail de la zone euro.

L’intégration économique et les liens financiers entre la zone euro et le reste du monde

Je voudrais aborder à présent la question de l’intégration économique et des liens financiers entre la zone euro et le reste du monde.

Je dirai tout d’abord quelques mots de l’intégration commerciale de la zone euro, qui a grandement bénéficié de l’introduction de l’euro, à travers des gains d’efficacité notamment. J’évoquerai ensuite l’intégration financière entre la zone euro et le reste du monde, à laquelle la création de la monnaie unique a également beaucoup contribué, en favorisant les investissements directs étrangers comme les investissements de portefeuille.

En ce qui concerne les échanges commerciaux, je rappelle qu’une union monétaire les encourage entre les pays participants, en éliminant la volatilité des cours de change, levant ainsi les incertitudes liées aux fluctuations de change. Au-delà, l’« effet Rose » associé à la mise en place d’une union monétaire peut également renforcer les échanges intra-zone [8].

L’intégration économique de la zone euro s’est très nettement accrue depuis l’introduction de l’euro, en 1999. En témoigne une forte hausse des échanges commerciaux intra-zone, le volume total des exportations et importations de biens et services dans la zone euro étant passé d’environ 31 % du PIB en 1998 à quelque 40 % en 2006 [9]. Cette évolution est importante car, avec le renforcement des liens commerciaux au sein de la zone euro, c’est la capacité totale d’exporter des différents pays participants qui progresse, ce qui va dans le sens d’une économie plus ouverte et accroît le potentiel d’échanges avec le reste du monde. À cet égard, la monnaie unique a sans aucun doute amélioré la compétitivité de la zone euro dans la mesure où les sociétés étrangères considèrent désormais les pays participants comme de meilleures bases d’exportation. L’euro a également été un vecteur d’efficience, renforçant par là même la capacité concurrentielle de la zone euro sur les marchés mondiaux [10]. Un consensus semble se dégager aujourd’hui parmi les économistes pour estimer que la monnaie unique a, en moyenne, stimulé les échanges commerciaux entre les pays de la zone euro, le gain se chiffrant entre 2 et 3 points de pourcentage en valeur [11].

Du point de vue du commerce extérieur, la zone euro est une économie très ouverte, compte tenu de sa taille. Elle est en fait plus ouverte que les deux autres grandes économies, les États-Unis et le Japon. Il est intéressant de noter que le processus de mondialisation et d’internationalisation de la production s’est traduit par une hausse légèrement plus forte des échanges de la zone euro avec le reste du monde, comparée à celle des échanges intra-zone. En effet, le total des exportations et importations de biens et services hors zone euro s’élève à 42 % du PIB, soit une hausse de 11 points de pourcentage depuis 1998, largement due à la progression rapide des transactions avec les nouveaux États membres et avec la Chine. Par comparaison, aux États-Unis, les exportations et importations totales de biens et services n’ont augmenté que de 4 points de pourcentage, à environ 28 % du PIB. Sur la même période, la hausse enregistrée au Japon a été proche de celle observée dans la zone euro, mais le degré d’ouverture commerciale de l’économie japonaise demeure relativement faible, à 31 % en 2006.

L’ouverture de la zone euro aux échanges commerciaux se reflète aussi dans la part des exportations hors zone euro dans la valeur totale des exportations mondiales en 2006, qui était de 18 %, contre environ 12 % pour les États-Unis. Selon plusieurs études récentes, il est également à noter que la zone euro dans son ensemble a gagné des parts de marché dans les segments des produits à haute valeur ajoutée [12].

Une large part des échanges commerciaux de la zone euro s’effectuent avec des pays européens ne participant pas à la monnaie unique, en particulier le Royaume-Uni et les nouveaux États membres, mais les États-Unis conservent un poids très important et sont le principal partenaire commercial non européen de la zone euro, avec 14 % du total des échanges extérieurs. Sous l’effet du fort dynamisme de son économie, la Chine est devenue le deuxième plus important partenaire commercial non européen, devant le Japon.

La zone euro est non seulement plus ouverte que les États-Unis et le Japon en ce qui concerne les flux commerciaux, cela est vrai également pour les liens financiers avec le reste du monde.

Les avoirs et engagements extérieurs de la zone euro sont, en premier lieu, importants, représentant respectivement 148 % et 160 % du PIB en 2006. Les chiffres équivalents pour les États-Unis s’élèvent à 104 % et 123% du PIB. Quant au Japon, les encours financiers vis-à-vis de l’étranger sont plus faibles, en proportion du PIB, qu’aux États-Unis et donc que dans la zone euro.

La création de l’euro a indéniablement contribué à accroître l’ouverture financière de la zone de monnaie unique. Du côté des avoirs, les portefeuilles d’actifs extérieurs détenus par la zone euro sont passés de 93 % du PIB en 1999 à 148 % en 2006, comme je le mentionnais il y a un instant. De même, une très forte hausse, de 99 % à environ 160 %, a été observée du côté des engagements. Au cours de cette période, la croissance des avoirs et engagements extérieurs des États-Unis a été légèrement plus modérée, les avoirs progressant de 64 % du PIB en 1999 à 104 % en 2006 et les engagements passant de 73 % à 123 % du PIB.

Les liens financiers de la zone euro avec le reste du monde ont évolué de manière quelque peu différente de ceux des États-Unis, qui ont affiché pendant de nombreuses années un déficit important des paiements courants. Il en a résulté, pour les États-Unis, de très importants engagements extérieurs nets, atteignant 19 % du PIB. La zone euro, pour sa part, a dégagé un excédent courant pendant une longue période. Les engagements financiers nets de la zone euro n’en ont pas moins augmenté ces dernières années, pour atteindre 12 % du PIB en 2006, essentiellement en raison d’effets de valorisation aux évolutions de change.

S’agissant des investissements directs étrangers (IDE), je veux dire à quel point ils sont importants. Ils ouvrent en effet l’accès à de nouveaux marchés pour les entreprises ainsi qu’à de nouvelles technologies, de nouveaux produits et de nouvelles compétences. Ils peuvent également apporter des nouvelles technologies, des nouveaux procédés de production, de nouvelles méthodes de gestion, notamment, aux pays destinataires de ces IDE et, partant, un gain en termes de développement économique.

L’intégration économique et financière européenne semble avoir été un vecteur très fort d’IDE. Les données empiriques laissent à penser que l’euro a largement favorisé les flux entre les différents pays de la zone euro, au-delà des effets positifs découlant du marché unique européen [13], tout en entraînant également une hausse des afflux de capitaux étrangers vers la zone euro. L’élimination du risque de change au sein de la zone euro a joué un rôle bénéfique, mais la réduction des coûts fixes et de transaction que l’euro a permise explique aussi ces évolutions.

La zone euro semble être une destination attractive pour les investissements étrangers ainsi qu’en atteste la part du stock des IDE effectués par les non-résidents exprimée en pourcentage du PIB, qui est passée de 16 % en 1999 à 31 % en 2006. La part correspondante pour les États-Unis est environ inférieure de moitié.

La zone euro est également un important investisseur direct à l’étranger, ayant acquis une dimension nettement plus grande dans ce domaine ces dernières années. De 1999 à 2006, les avoirs au titre des IDE détenus par les résidents de la zone euro dans le reste du monde ont augmenté de 21 % à 36 % du PIB. Les États-Unis, quant à eux, sont un investisseur moins important à l’étranger en proportion du PIB, les IDE américains s’élevant à 22 % du PIB.

Les IDE résultent souvent d’opérations de fusions et acquisitions, que l’euro a très fortement encouragées. On a ainsi observé une nette progression des opérations transfrontières à l’intérieur de la zone euro, comme d’ailleurs des transactions menées dans la zone euro, dans le secteur manufacturier, par des entreprises non résidentes [14].

Dans le secteur des services, en revanche, l’incidence de l’euro sur les opérations transfrontières de fusions et acquisitions aurait été marginale selon les estimations, ce qui laisse à penser que les barrières aux échanges internationaux de services et les réglementations des marchés de produits peuvent exercer une influence négative. Dans la mesure où la Directive sur les services adoptée par le Parlement européen et le Conseil européen en 2006 réduit ces obstacles, une nouvelle vague de fusions et acquisitions transfrontières au sein de la zone euro pourrait progressivement voir le jour.

Il convient de noter que les stocks d’IDE de la zone euro sont principalement détenus dans les économies avancées, en particulier aux États-Unis (20 %), au Royaume-Uni (26 %) et en Suisse (10%). La zone euro a, de plus, fortement accru ses IDE dans les nouveaux États membres ces dernières années, une évolution qui est liée à la croissance des échanges commerciaux avec ces pays et au développement de l’internationalisation de la production par les sociétés de la zone.

Je dois ajouter que les IDE de la zone euro ont également progressé rapidement dans les autres économies de marché émergentes. Ils ont notamment crû considérablement dans les pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) entre 1999 et 2006, passant de 63 milliards de dollars à 153 milliards, soit une hausse de 143 %. Le Brésil est de loin la première destination des IDE de la zone euro, suivi par la Russie, la Chine et l’Inde.

Les stocks d’IDE des pays du BRIC en zone euro ont également enregistré une nette progression. Sur la même période, ils ont en effet bondi de 400 %, pour passer de 4 milliards d’euros à 20 milliards. Malgré cette croissance significative, les stocks n’en restent pas moins relativement modestes dans l’absolu, dans la mesure où ils ne correspondent qu’à environ 1 % du total des IDE reçus par la zone euro. Le Brésil et la Russie comptent pour l’essentiel de ces investissements, mais la Chine et l’Inde accroissent, elles aussi, régulièrement leurs IDE.

Globalement, la zone euro est une économie très ouverte en matière de flux commerciaux, les échanges avec le reste du monde comme le commerce intra-zone augmentant rapidement. Les données disponibles montrent également une très grande intégration financière de la zone euro avec le reste du monde, y compris les économies de marché émergentes, alors que l’intégration financière au sein de la zone euro progresse également rapidement.

Conclusions

Je voudrais conclure mon intervention en soulignant que l’intégration financière de la zone euro s’est considérablement accrue depuis l’introduction de la monnaie unique. S’il reste des réformes à accomplir pour que le système financier soit parfaitement intégré, les avancées déjà réalisées sont largement bénéfiques en termes d’efficience du système financier de la zone euro, ce qui se traduira, in fine, par de meilleures performances économiques dans la zone euro. Dans le même temps, l’euro semble avoir stimulé les échanges commerciaux et les flux financiers à la fois entre les pays de la zone euro et avec le reste du monde. La zone euro est donc une économie très ouverte, qu’il s’agisse des échanges commerciaux ou des liens financiers. Il ne saurait dès lors en aucun cas être question d’une « forteresse Europe » ou d’une « forteresse zone euro ».

Je vous remercie de votre attention.

  1. [1] Voir P. Asdrubali, B. Sorensen, O. Yosha, Channels of Interstate Risk Sharing: United States 1963-1990, The Quarterly Journal of Economics, Vol. 111, n° 4, novembre 1996, p. 1081-1110.

  2. [2] Fisman, R. et Love, I., Financial Development and Growth in the short and long run, National Bureau of Economic Research, Working Paper n° 10236, janvier 2004.

  3. [3] Rajan, R. G. et Zingales, L., Financial Dependence and Growth, American Economic Review, juin 1998, 88 (3), p. 559-586.

  4. [4] Guiso, L., Jappelli, T., Padula, M. et Pagano, M., Financial Market Integration and Economic Growth in the EU, Economic Policy, 2005, 19 (40), p. 523-577.

  5. [5] Gropp, R., C. Kok Sorensen et J.-D. Lichtenberger, The dynamics of bank spreads and financial structure, ECB Working Paper n° 714, janvier 2007.

  6. [6] Commission européenne, Livre blanc sur la politique des services financiers 2005-2010, décembre 2005.

  7. [7] Banque centrale européenne, Financial Integration in Europe, avril 2008. Les chiffres cités dans cette partie ont trait aux indicateurs d’intégration financière publiés dans ce rapport.

  8. [8] L’« effet Rose » doit son nom à l’économiste Andrew Rose, qui a le premier soutenu que les unions monétaires étaient susceptibles d’accroître les échanges commerciaux au-delà des effets positifs résultant de l’élimination de la volatilité des cours de change. Voir Rose, A. K., One money, one market: the effect of currency unions on trade, Economic Policy 30, p. 7-46, 2000.

  9. [9] Les chiffres portent sur 2006, sauf mention contraire, car les données pour 2007 ne sont pas encore disponibles pour tous les pays. Les données proviennent de la BCE et d’Eurostat pour la zone euro et du FMI (Statistiques financières internationales) pour les autres pays. Ces données peuvent parfois différer de celles fournies par d’autres sources.

  10. [10] Pour plus d’informations sur l’incidence de l’euro sur les flux commerciaux et de capitaux, voir Banque centrale européenne, Numéro spécial du bulletin mensuel pour le 10e anniversaire de la BCE, mai 2008.

  11. [11] Voir par exemple Bun, M. et Klassen, F., The euro effect on trade is not as large as commonly thought, Oxford Bulletin of Economics and Statistics, Vol. 69, 4.

  12. [12] Fontagné, L., Gaulier, G. et Zignago, S., Specialization Across Varieties and North-south Competition, Economic Policy, Vol. 23 n° 53, p. 51-91, 2008.

  13. [13] Voir par exemple Petroulas, P., The effect of the euro on foreign direct investment, European Economic Review, 51, p. 1468-1491, 2007 ; Schiavo S., Common currencies and FDI flows, Oxford Economic Papers, 59, p. 536-560, 2007 ; De Sousa, J. et J. Lochard, Does the single currency affect FDI? A gravity-like approach, University of Paris 1, mimeo, 2006 ; Flam, H. et H. Nordström, The Euro and Single Market Impact on Trade and FDI, Institute for International Economic Studies, Université de Stockholm, mimeo, 2007.

  14. [14] Voir Coeurdacier, N., De Santis, R.A. et Aviat A., Cross-border mergers and acquisitions: Institutional and financial forces, étude présentée lors du 47e Panel Meeting of Economic Policy à Ljubljana, en avril 2008.

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