Options de recherche
Page d’accueil Médias Notes explicatives Recherche et publications Statistiques Politique monétaire L’euro Paiements et marchés Carrières
Suggestions
Trier par

L'élaboration de la politique monétaire dans la zone euro

Intervention de M. Christian Noyer Vice-président de la Banque centrale européenne, au Forum Économique 2000 du Fonds Pareto, à Oslo, le 23 mars 2000

Mesdames et Messieurs,

C'est un grand plaisir et un honneur pour moi d'intervenir ici, aujourd'hui, au Forum Économique 2000 du Fonds Pareto. Les conférences économiques organisées par le Fonds Pareto ont la réputation d'offrir aux investisseurs, aux économistes et aux responsables politiques l'occasion unique d'avoir des échanges de vues approfondis sur les questions actuelles de politique monétaire.

En janvier 1999, l'euro a été mis en place avec succès en tant que monnaie unique des onze pays qui forment actuellement la zone euro. L'Eurosystème, qui comprend la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales nationales (BCN) des pays qui ont introduit l'euro, est chargé de mettre en OEuvre la politique monétaire unique de la zone euro. Bien entendu, il est encore bien trop tôt pour se livrer à une évaluation détaillée des résultats de la politique monétaire unique. Toutefois, les quinze premiers mois de l'euro ont été encourageants et il existe de bonnes raisons d'envisager l'avenir avec optimisme. Grâce à des préparatifs très minutieux, aussi bien d'ordre technique que conceptuel, le processus de prise de décision en matière monétaire comme l'application de ces décisions ont fonctionné efficacement dès le début. En même temps, il est indéniable que de nouvelles améliorations sont possibles et que des défis importants doivent encore être relevés.

Dans mon discours d'aujourd'hui, je décrirai les principaux critères de décision de la politique monétaire dans la zone euro, en insistant sur les objectifs de politique monétaire de l'Eurosystème, sa stratégie axée sur la stabilité et les problèmes de communication liés à cette stratégie. En outre, je présenterai brièvement les perspectives économiques actuelles pour la zone euro.

La stabilité des prix comme objectif principal de la politique monétaire unique de l'Eurosystème

Le Traité instituant la Communauté européenne stipule clairement que la politique monétaire unique a pour objectif prioritaire le maintien de la stabilité des prix. En outre, il stipule que, sans préjudice de l'objectif de stabilité des prix, l'Eurosystème apporte son soutien aux politiques économiques générales dans la Communauté européenne, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté. Ces objectifs comprennent entre autres une croissance durable et non inflationniste et un niveau d'emploi élevé.

Le Traité fixe ainsi une série d'objectifs pour la politique monétaire de l'Eurosystème, dont la stabilité des prix est sans équivoque la condition sine qua non. L'attribution d'une telle tâche à une banque centrale n'a rien d'extraordinaire. Au contraire, elle traduit le consensus qui s'est fait jour au cours des deux dernières décennies, selon lequel le maintien de la stabilité des prix est la meilleure contribution que la politique monétaire puisse apporter à une croissance durable et non inflationniste et à l'amélioration des perspectives en matière d'emploi.

La conviction que la politique monétaire doit être axée sur la stabilité des prix est solidement étayée par la théorie économique, qui démontre clairement le coût de l'inflation, tant en termes de répartition inefficace des ressources qu'en termes de redistribution arbitraire des revenus. En même temps, ces arguments font valoir que le maintien de la stabilité des prix en soi contribue à une croissance plus forte et à un niveau d'emploi plus élevé. En outre, plusieurs études empiriques fondées sur l'observation d'un grand nombre de pays sont parvenues à la conclusion que ce sont en moyenne ceux dont le niveau d'inflation est le plus bas qui bénéficient de la croissance la plus rapide.

S'il existe un consensus assez répandu sur les avantages de la stabilité des prix, la définition de la stabilité des prix est en revanche moins claire. Dans le contexte de sa stratégie de politique monétaire axée sur la stabilité, le Conseil des gouverneurs de la BCE a défini la stabilité des prix comme « une progression sur un an de l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) dans la zone euro inférieure à 2% ». Selon cette définition, la stabilité des prix « doit être maintenue à moyen terme ».

La précision « inférieure à 2 % » précise clairement la limite supérieure du taux de l'inflation mesurée par l'IPCH, qui est compatible avec la stabilité des prix. En même temps, il est clair que l'emploi du mot « progression » dans la définition signifie que la déflation, c'est-à-dire une baisse continue de l'IPCH, n'est pas jugée compatible avec la stabilité des prix.

La raison principale pour laquelle on ne prend pas pour cible un taux d'inflation mesuré égal à zéro est connue sous le nom de « biais de mesure », qui peut exister dans des indices des prix à la consommation. Ce biais résulte principalement de changements dans la structure des dépenses et d'améliorations de la qualité des produits et des services composant le panier utilisé pour définir un indice de prix spécifique. De tels biais ne peuvent pas toujours être entièrement corrigés lors de l'élaboration d'indices des prix. Généralement, ce biais de mesure a pour effet que les indices des prix à la consommation (IPC) surévaluent légèrement le taux d'inflation « réel ». Si le biais de l'IPCH est susceptible d'être moins élevé que celui observé dans les IPC nationaux des pays formant la zone euro, nous ne pouvons l'ignorer complètement. Néanmoins, il n'existe actuellement aucune étude concluante sur l'ampleur du biais de l'IPCH pour la zone euro. C'est la principale raison pour laquelle le Conseil des gouverneurs de la BCE n'a pas annoncé de limite inférieure explicite dans sa définition de la stabilité des prix.

Certains économistes mettent en avant quelques arguments en faveur d'un taux d'inflation légèrement positif. D'une part, ils font valoir que l'existence d'une rigidité à la baisse des salaires nominaux implique que l'inflation est nécessaire pour assurer la flexibilité des salaires réels, ce qui permet ainsi de répartir efficacement les ressources entre les divers secteurs de l'économie en fonction des évolutions technologiques et des préférences des consommateurs. D'autre part, il a été avancé qu'un taux d'inflation légèrement positif est nécessaire pour que la politique monétaire puisse, en cas de besoin, contribuer à la formation de taux d'intérêt réels négatifs. Il existe des raisons solides et communément admises de ne pas surestimer de tels arguments. La définition de la stabilité des prix retenue par le Conseil des gouverneurs autorise cependant une inflation légèrement positive, inférieure à 2 %.

Le Conseil des gouverneurs a souligné que la stabilité des prix doit être maintenue à moyen terme. À court terme, le taux d'inflation peut être influencé par des facteurs ponctuels échappant au contrôle des banques centrales, tels que des modifications de la fiscalité indirecte ou des fluctuations des cours des matières premières. En outre, les impulsions données par la politique monétaire n'exercent leur effet sur le niveau général des prix qu'avec un décalage important dans le temps. Pour cette raison, la politique monétaire ne peut éviter que des écarts ne se produisent à court terme par rapport aux taux d'inflation compatibles avec la stabilité des prix.

Les deux piliers de la stratégie de politique monétaire de l'Eurosystème

La nécessité d'une vision prospective constitue un défi intrinsèque pour toute banque centrale. Si la politique monétaire ne devait réagir que lorsque les tensions inflationnistes se sont déjà manifestées, elle interviendrait toujours trop tard, dans la mesure où l'incidence des modifications des taux d'intérêt sur les prix n'est entièrement perceptible qu'après six à huit trimestres. De plus, elle devrait réagir beaucoup plus vigoureusement que dans le cas d'une décision prise en temps opportun. Les expériences des politiques faisant alterner coups de frein et coups d'accélérateur, très répandues dans les années 60 et 70, ont montré clairement les retombées négatives de telles pratiques en termes de volatilité élevée de l'inflation et de la production.

Une politique monétaire prospective nécessite une démarche structurée afin d'interpréter et de synthétiser toutes les informations pertinentes pour une évaluation des perspectives d'évolution des prix ; en d'autres termes, une stratégie de politique monétaire solide est indispensable dans un tel cadre. La stratégie de l'Eurosystème repose sur deux piliers : le premier consiste à assigner un rôle de premier plan à la monnaie, tandis que le second est une évaluation des perspectives d'évolution des prix, reposant sur une large gamme d'indicateurs.

Pour une banque centrale orientée vers la stabilité des prix, il est assez naturel d'accorder un rôle de premier plan à la monnaie, puisque l'inflation est en définitive un phénomène monétaire. Ce rôle essentiel est souligné par l'annonce d'une valeur de référence de 4 1/2 % pour la croissance annuelle de l'agrégat monétaire large M 3. La croissance actuelle de M3 est analysée et interprétée par rapport à cette valeur de référence. Dans des circonstances normales, des écarts importants et durables de la croissance monétaire par rapport à cette valeur devraient révéler des risques futurs pour la stabilité des prix à moyen terme. Dans le cadre de la zone euro, cette relation est fondée du point de vue empirique. Les données économétriques disponibles suggèrent l'existence d'une relation stable entre M3, le niveau des prix dans la zone euro et un nombre restreint d'autres variables macroéconomiques à l'échelle de cette zone. En outre, les propriétés d'indicateur avancé de M3 ont été démontrées.

Si la relation entre la croissance monétaire et l'inflation à moyen terme est indéniable, des variations à court terme de la masse monétaire peuvent être influencées par des facteurs non liés aux dépenses et à l'inflation futures. Ainsi, l'Eurosystème ne réagit pas mécaniquement aux écarts à court terme entre la croissance monétaire et la valeur de référence. Au contraire, les évolutions monétaires sont analysées très attentivement afin d'extraire les informations qu'elles contiennent pour l'inflation future. Si cette analyse devait montrer que les évolutions monétaires indiquent un risque pour la stabilité des prix future, la politique monétaire réagirait de manière appropriée pour contrecarrer ce risque.

Bien que les données monétaires contiennent des informations qui sont indispensables pour la prise de décision en matière monétaire, elles ne constituent pas, à elles seules, un résumé exhaustif de l'ensemble des informations économiques nécessaires pour prendre des décisions de politique monétaire appropriées en vue de maintenir la stabilité des prix. Ainsi, parallèlement à l'analyse de la croissance monétaire par rapport à la valeur de référence, une évaluation, reposant sur une large gamme d'indicateurs, des perspectives d'évolution des prix et des risques pour la stabilité des prix dans l'ensemble de la zone euro joue un rôle essentiel dans la stratégie de l'Eurosystème. Cette évaluation est effectuée sur la base d'une large gamme d'indicateurs possédant des propriétés d'indicateurs avancés pour l'évolution des prix future, comprenant notamment les salaires, les coûts unitaires de main-d'oeuvre, les cours des obligations, la courbe des rendements, les indicateurs de politique budgétaire, diverses mesures de l'activité réelle et les indices de prix et de coûts.

Je voudrais saisir cette occasion pour souligner que le Conseil des gouverneurs de la BCE considère le taux de change de l'euro comme un indicateur important dans le cadre du second pilier de la stratégie de l'Eurosystème. Il fait l'objet d'un suivi attentif et influence les décisions de politique monétaire, puisqu'il peut avoir des répercussions sur les perspectives de stabilité des prix dans la zone euro. Les variations du taux de change peuvent exercer une influence sur les perspectives d'évolution des prix, aussi bien directement, par leur incidence sur les prix à l'importation, qu'indirectement, par leurs répercussions sur les échanges commerciaux. Dans un tel contexte, la dépréciation prolongée du taux de change de l'euro depuis le début de 1999 est de fait un sujet de préoccupation et est, à ce titre, prise en compte dans notre discussion sur l'orientation appropriée de la politique monétaire.

Les prévisions macroéconomiques constituent un autre élément du second pilier. Étant donné la nature prospective de sa stratégie monétaire, l'Eurosystème suit attentivement les prévisions élaborées notamment par les organisations internationales et les opérateurs de marché. De plus, il produit ses propres prévisions. Les prévisions sont un outil indispensable pour le traitement efficace de l'information. Elles contribuent à résumer et à synthétiser une importante quantité d'informations qui, autrement, seraient difficilement utilisables pour la prise de décision. Toutefois, il convient en même temps de reconnaître que le rôle des prévisions dans la stratégie de politique monétaire de l'Eurosystème est nettement limité. Il ne saurait certainement être comparé à celui qu'elles jouent dans le cas d'une stratégie fondée sur une cible d'inflation. Une prévision d'inflation ne peut en aucun cas constituer un résumé statistique suffisant de toutes les informations dont les responsables politiques ont besoin pour prendre les décisions de politique monétaire appropriées. Pour ne citer qu'un exemple, il est extrêmement difficile d'intégrer de manière significative les informations relatives aux évolutions monétaires à des prévisions macroéconomiques. De plus, il est souvent fondamental de comprendre la nature des facteurs qui affectent l'évolution future des prix afin d'évaluer les risques pour la stabilité des prix à moyen terme. On ne peut donc pas s'attendre à ce que l'Eurosystème réagisse aux prévisions d'inflation de manière mécanique.

L'une des critiques souvent formulées par des observateurs extérieurs porte sur la complexité de la stratégie que je viens de décrire. Je reconnais que notre stratégie est complexe, mais ce phénomène ne fait que refléter la complexité de l'environnement de politique monétaire de l'Eurosystème. Si la politique monétaire est par nature complexe, elle l'est d'autant plus que le Conseil des gouverneurs de la BCE doit évaluer la situation de la politique monétaire pour une zone monétaire étendue et non homogène composée de 11 pays différents. En outre, étant donné les répercussions de l'introduction de l'euro sur le comportement des agents économiques et sur l'évolution de l'environnement institutionnel, nous devons faire face à un degré d'incertitude relativement élevé concernant les relations économiques pertinentes pour la politique monétaire. En définitive, l'étendue des statistiques à l'échelle de la zone euro est encore relativement restreinte comparée à celles que les banques centrales ont l'habitude d'utiliser, du moins dans les pays industrialisés. Dans ce contexte, la stratégie de l'Eurosystème reposant sur deux piliers a l'avantage d'être relativement adaptée à ces diverses formes d'incertitude.

La politique de communication

Il est aujourd'hui communément admis que la politique de communication compte parmi les tâches essentielles de toute banque centrale. Depuis quelques années, la transparence est devenue l'un des mots d'ordre des banques centrales. Ce changement est lié au fait qu'un nombre croissant de banques centrales étant devenues indépendantes, la question de la responsabilité a acquis une importance comparable. La responsabilité est en retour favorisée par un degré élevé de transparence. Outre les institutions devant lesquelles une banque centrale est responsable officiellement, les opérateurs de marché et le public peuvent évaluer la situation plus facilement si une banque centrale poursuit son objectif principal de manière appropriée. Ainsi, un degré de transparence élevé renforce également la crédibilité et, en agissant sur les anticipations, accroît l'efficacité de la politique monétaire.

Dans ce contexte, le Conseil des Gouverneurs de la BCE s'est engagé à être ouvert, transparent et responsable de ses décisions et de ses résultats vis-à-vis des citoyens européens et de leurs représentants au sein du Parlement européen. Nous sommes pleinement conscients du fait que, en raison de la complexité de la politique monétaire de l'Eurosystème et de la pluralité des publics - eux-mêmes habitués à différentes formes de communications - auxquels s'adresse cette politique, des efforts particuliers sont nécessaires pour expliquer la politique monétaire du Conseil des gouverneurs, régulièrement et de la manière la plus transparente possible. Bien que nous ayons accompli des efforts considérables, nous n'avons certainement pas encore surmonté toutes les difficultés initiales. Nous sommes néanmoins résolus à poursuivre nos efforts et je suis convaincu que nous progresserons encore pour parler d'une seule voix.

Toutefois, il est fréquent que les critiques formulées à l'encontre de la politique de communication de l'Eurosystème ne se réfèrent pas à des situations concrètes, et reprochent seulement à celle-ci de manquer de transparence. Dans un tel contexte, j'ai le sentiment que le champ de la discussion concernant la transparence de la politique monétaire est devenu relativement restreint, associant la transparence uniquement à des outils de communications très spécifiques, tels que la publication de procès-verbaux ou de prévisions d'inflation. Ce faisant, on a parfois tendance à oublier que les banques centrales ont à leur disposition divers instruments pour informer le public de manière ouverte, claire et intelligible sur les considérations et les motifs qui sous-tendent leurs décisions de politique monétaire.

Un instrument fondamental de la politique de communication de l'Eurosystème est la conférence de presse que le président de la BCE et moi-même donnons régulièrement à l'issue de la première réunion du Conseil des gouverneurs au début de chaque mois. À ces occasions, le président fait une déclaration introductive dans laquelle il explique les décisions du Conseil des gouverneurs sur la base de son évaluation des informations les plus récentes sur les évolutions monétaires et économiques et celles des marchés financiers. À mon avis, la déclaration introductive est très semblable à ce que les autres banques centrales appellent des procès-verbaux. La déclaration est suivie par une séance de questions-réponses qui offre aux journalistes l'occasion d'interroger le président ou moi-même sur n'importe quelle question. Cette conférence de presse constitue un forum où les décisions monétaires peuvent être présentées aussi rapidement qu'il est souhaité. Le fait que certains universitaires recommandent également cette procédure à d'autres banques centrales peut certainement être considéré comme un jugement positif de notre démarche.

Un autre instrument-clé de notre politique de communication est le Bulletin mensuel de la BCE. Le Bulletin mensuel a pour objet de fournir au public une évaluation approfondie de la situation économique, ainsi que des articles traitant de sujets d'actualité importants pour la politique monétaire unique. En outre, des discours comme celui d'aujourd'hui et d'autres apparitions publiques de membres du directoire, notamment lors d'auditions devant le Parlement Européen, constituent un moyen de communication important avec le public. La BCE participe aussi activement aux débats organisés avec les milieux universitaires. Enfin, de nombreuses informations sont accessibles sur le site Internet de la BCE.

En fin de compte, les informations fournies par la BCE vont bien au-delà des exigences du Traité instituant la Communauté européenne. Dans ce contexte, je ne vois pas quelles informations pertinentes supplémentaires les universitaires et les acteurs des marchés financiers espèrent obtenir de la publication de procès-verbaux et de comptes rendus de votes. Au contraire, il existe un risque non négligeable qu'en se concentrant trop exclusivement sur des arguments et des positions individuels, comme par exemple le comportement lors des votes, on ne fasse que troubler la clarté et la cohérence des signaux envoyés par le Conseil. De plus, la publication de comptes rendus de votes pourrait inciter les hommes politiques et les groupes d'intérêts nationaux à faire pression sur les gouverneurs des BCN. Une telle attitude pourrait en retour compromettre la vision européenne que tous les membres du Conseil des gouverneurs se sont engagés à adopter dès le début, ainsi que le caractère ouvert et productif de nos discussions.

En ce qui concerne les demandes de publication de prévisions d'inflation, j'aimerais souligner le fait que la publication de prévisions requiert une préparation très soigneuse afin d'être un outil de communication utile. Il convient non seulement de faire en sorte que les prévisions soient d'une qualité suffisamment élevée, mais aussi que le public apprenne à les lire correctement. Tout malentendu sur les hypothèses fondamentales qui sous-tendent une prévision ou toute erreur d'interprétation du rôle des prévisions dans la stratégie globale peut facilement avoir pour effet de compliquer l'interprétation des décisions de politique monétaire du Conseil des gouverneurs, au lieu de la faciliter. C'est pour cette raison que l'Eurosystème a décidé de ne pas commencer à publier de prévisions dès le début de la phase III.

Évolutions économiques et monétaires dans la zone euro

J'aimerais à présent décrire les évolutions économiques et monétaires dans la zone euro. Il y a une semaine exactement, le 16 mars, le Conseil des gouverneurs a décidé d'augmenter les taux d'intérêt de la BCE de 25 points de base. Cette décision répondait aux risques à la hausse pesant sur la stabilité des prix signalés par les deux piliers de la stratégie de politique monétaire. Le relèvement des taux d'intérêt de la BCE décidé la semaine dernière fait suite aux décisions prises les 4 novembre 1999 et 3 février 2000 et s'inscrit dans la continuité de la politique visant à combattre à temps ces risques à la hausse. Cette décision a contribué ainsi au maintien de perspectives favorables pour l'économie de la zone euro.

Les facteurs suivants ont motivé cette décision : en ce qui concerne le premier pilier, la moyenne sur trois mois des taux de croissance annuels de M3 a dépassé la valeur de référence de 4 1/2 % sur l'ensemble de l'année 1999 et en janvier 2000. L'écart prolongé de la croissance de M3 par rapport à la valeur de référence signale l'existence d'un volume important de liquidités dans la zone euro. Ceci paraît corroboré par le maintien, concomitant, d'une croissance vigoureuse du crédit accordé au secteur privé.

S'agissant du second pilier, la majeure partie des indicateurs et des prévisions ont indiqué des pressions croissantes à la hausse des prix à la consommation à moyen terme. La forte augmentation des cours du pétrole et la dépréciation du taux de change de l'euro dans le passé exercent des tensions directes sur les coûts d'importation et les prix à la production. Dans le contexte d'une reprise économique vigoureuse, ces évolutions pourraient, par les effets de second tour qu'elles peuvent induire, avoir des incidences durables sur la hausse des prix à la consommation.

Comme prévu, la hausse des prix à la consommation s'est poursuivie en janvier et février 2000, le taux annuel d'augmentation de l'IPCH s'établissant à 2,0 % en février contre 1,9 % en janvier et 1,7 % en décembre 1999. La hausse observée cette année a résulté en grande partie du renchérissement continu des cours du pétrole et de son incidence sur les prix de l'énergie de l'indice IPCH. Il a été renforcé par des effets de base liés au recul des cours du pétrole au tournant de l'année 1998-1999. Les cours du pétrole, qui ont de nouveau progressé début mars, continueront ainsi d'exercer des tensions sur les prix à la consommation à court terme.

Les mouvements du taux de change de l'euro observés ces derniers mois sont devenus un sujet de préoccupation croissant pour la stabilité des prix de par leur incidence sur les prix à l'importation et les prix de vente industriels. Au cours des deux premières semaines de mars, le taux de change effectif nominal de l'euro a été inférieur de 12,2 % à son niveau du premier trimestre de 1999.

Globalement, les pressions sur les prix à la consommation ont été considérées comme plus fortes et plus prolongées que celles qui avaient été prévues initialement. Dans ce contexte, les décisions prises en matière de taux d'intérêt peuvent être interprétées comme des mesures préventives destinées à maintenir la stabilité des prix à moyen terme.

Actuellement, les perspectives de reprise économique vigoureuse sont très favorables. La reprise de l'activité économique dans la zone euro au cours du second semestre de 1999 a été confirmée par une première estimation de la croissance du PIB réel pour le quatrième trimestre 1999. Selon cette estimation, le PIB réel a progressé de 0,9 %, d'un trimestre à l'autre, après une hausse de 1,0 % au cours du trimestre précédent. De plus, les résultats d'enquêtes les plus récents indiquent une amélioration continue de l'activité économique. La confiance des chefs d'entreprise de la zone euro s'est encore raffermie au cours des deux premiers mois de l'année 2000 ; elle a maintenant surmonté les effets du ralentissement de 1998 et 1999 et retrouvé le niveau élevé d'avril 1998. En outre, l'indice des responsables des achats indique des conditions économiques plus favorables dans le secteur industriel. La reprise économique devrait se poursuivre au cours de l'année 2000 et se prolonger au-delà. Ainsi, les prévisions disponibles laissent présager une croissance du PIB réel légèrement supérieure à 3 % en 2000, reflétant à la fois l'environnement extérieur favorable et la demande intérieure soutenue. Un rythme d'expansion économique similaire est prévu pour 2001.

Dans cet environnement, une nouvelle augmentation de l'emploi est attendue et le niveau encore élevé du chômage devrait poursuivre son recul. Jusqu'à présent, la progression récente des salaires a été modérée et il en va de même pour les accords salariaux conclus jusqu'à présent. Il importe de ne pas compromettre les améliorations attendues de la situation économique et des perspectives en matière d'emploi par la conclusion d'accords salariaux inappropriés. De fait, la modération salariale permet aussi bien de contenir l'inflation dans la zone euro que de poursuivre les progrès déjà accomplis dans la création d'emplois.

En ce qui concerne les politiques budgétaires, la reprise actuelle fournit une excellente occasion de se conformer plus rapidement aux objectifs fixés par le Pacte de stabilité et de croissance et d'apporter ainsi une contribution substantielle au maintien de conditions économiques favorables.

Permettez-moi de conclure en soulignant que les conditions et les perspectives économiques pour la zone euro semblent être meilleures à l'heure actuelle qu'elles ne l'ont jamais été au cours de la dernière décennie. La croissance est forte, une nouvelle augmentation de l'emploi est attendue et le niveau encore élevé du chômage devrait poursuivre son recul. Le maintien de la stabilité des prix et la poursuite des réformes structurelles constituent le fondement d'une phase prolongée d'expansion économique vigoureuse et d'un processus durable de création d'emplois.

CONTACT

Banque centrale européenne

Direction générale Communication

Reproduction autorisée en citant la source

Contacts médias